La fin est une habitude
Évoquant la fin, nous manipulons ici, chacun, une poignée de sable.
Et pour les domaines où il s’agit de faire avancer la pensée, ça voudrait dire : invalidité de toute production. Mais ce qui ne se laisse pas saisir est familier aux œuvres. Alors préférons penser que l’art est toujours en train de mourir, toucher à sa fin, etc. ; ça met l’ambiance ; maintient une tension ; impose une exigence permanente vis-à-vis de ces objets que nous ajoutons à ce monde déjà plein d’objets.
Heureusement, il y a encore des inconnus devant nous.
Les œuvres ont à aller les chercher ; autant d’événements possibles. Du coup, aux usagers de s’arrêter devant l’une d’elles, espérer un suspend ; et recommencer. Ça fatigue, c’est normal. C’est pas la chute de Rome, pas encore le Moyen-Âge. On est au point aveugle, dispositions : laisser de côté le spectaculaire, préférer l’intime. Et peut-être accéder à ce qui nous dépasse.
Notre travail est, un peu, de regarder la mort en face tous les jours.
Ce n’est pas grave, juste une conscience de la finitude –ce qui implique quelque chose de très primaire, et qui finalement saisit la vie. Impossible de lâcher l’affaire. On se jette cette poignée de sable au visage ; l’œuvre est un entre. Mais elle est un entre à condition d’en faire un, et que ce un puisse advenir. La rareté d’une évidence nous frappe. On ne veut pas entendre dire : « lui, il est fini ».
Alors nous maintenons une pensée, un regard, un geste.
Il faut beaucoup d’efforts pour dans ce monde bruyant arriver à faire un point de silence. L’abondance des œuvres, c’est autant de tentatives, mais aussi autant d’obstacles. Il y a un vacarme structurel, qui ne nous aide pas. Pourtant nous essayons de préparer ce qui se donne. L’Homme héroïque s’inquiète. Et parce qu’il s’inquiète, il est là. La pensée en art a perdu son centre ; on y aura mis un sol.
En fait ce matin, on s’est levé pour ça.