{Vincent Dulom} Réponses de la matière
Nous étions en train de parler du monde devant nous. Il avait dessiné une porte. C’étaient deux courbes et je m’inquiétais d’un manque. Sur ce point, on peut soupçonner un biais : je m’attends toujours à ce que soudain tout ait des angles. Tourner la tête et que quelque chose ait changé.
Mais ce n’est pas ce qui était important, ou pas encore.
Nous étions honnêtes, c’est-à-dire attentifs. De cette activité dépend toute vérité à venir. Mais nous connaissons aussi les règles : il faudra bien à un moment qu’une chose échappe à cette attention. Qu’une propriété change, qu’un objet mute.
Un autre de ses dessins se trouvait dans notre dos. Une ligne et une boucle, attachées en un point ; partant du mur et s’arrêtant à une distance raisonnable du sol. Nous parlions de la porte, puis d’autre chose, nous avons fait un ou deux pas, nous nous sommes retournés.
La boucle était tombée et une vérité s’était produite. Elle traçait maintenant une ligne sur le sol. Cette affaire est celle d’une compression du temps – des années de gestes. Là il n’y a plus de biais possible, celui qui douterait ne comprendrait rien et ferait mieux de regarder encore.
C’est même une promesse. Regarder sera un moyen de réparer notre rapport au sensible. À l’abandon. Pas mal pour quelques lignes. Et sans doute un peu urgent. Charge à nos yeux de savoir de le reconnaître : le monde sera changé localement. Ces dessins sont une activité nécessaire.
Ce qui s’est passé n’était pas un accident.